lundi 19 novembre 2007

À propos de l'anabaptisme

Certains d'entre vous auront remarqué que le titre du blog et la plupart de mes liens font référence à la tradition anabaptiste. Il s'agit de ma tradition théologique, soit anabaptiste-évangélique. J'en parlerai de temps à autre plus explicitement, mais cette tradition, sans dominer ma réflexion, teinte toute ma pensée. Il vaut donc mieux en dire déjà quelques mots.

Il y a plusieurs traditions en lien avec le mouvement évangélique, dont les traditions réformée (calviniste), wesleyenne, mais aussi anabaptiste. Cette réalité est parfois obscurcie au Québec par le fait que la grande majorité des églises évangéliques ici (à part plusieurs églises charismatiques) sont de tradition réformée (calviniste). L'anabaptisme est toutefois une branche importante du mouvement évangélique dans d'autres pays ou même dans l'ouest canadien. Ce ne sont pas tous les Anabaptistes qui sont évangéliques, tout comme ce ne sont pas tous les Réformés ou les Wesleyens qui le sont. L'anabaptisme trouve ses origines dans les premières années de la Réforme. Il s'agit d'une forme particulière (souvent appelée "radicale") de la Réforme, caractérisée par certains traits théologiques à l'origine propres aux Anabaptistes, comme par exemple le pacifisme, le baptême des professants ou la séparation entre l'Église et l'État.

Si vous avez consulté mon profil personnel, vous savez que je suis co-directeur avec Steve Robitaille, chargé de cours à l'École de théologie évangélique de Montréal (voir lien theobeing pour son blog) du Centre d'études anabaptistes de Montréal (CÉAM). Le CÉAM est une initiative de l'organisation para-ecclésiastique appelée le Comité central mennonite (section Québec, voir lien) et de l’École de théologie évangélique de Montréal (voir lien), où je suis professeur. Le CÉAM a pour mission de favoriser le développement et la diffusion d'une théologie anabaptiste québécoise au moyen notamment de la publication, de la mise sur pied de colloques et de conférences académiques et grand public, de la création d'un site web ainsi que de l'acquisition d'une collection spécialisée d'ouvrages anabaptistes.

Le 6 septembre 2007 a eu lieu le lancement du Centre. Pour l’occasion, Steve et moi avons exposé la mission du Centre et
Neal Blough, directeur du Centre mennonite de Paris (voir lien) et théologien réputé, a donné une conférence fort appréciée dans laquelle il a souligné l’importance de développer une théologie anabaptiste francophone et urbaine en dialogue avec les autres traditions chrétiennes. C'est justement la vision que Steve et moi avons pour le Centre et pour la théologie anabaptiste.

Le Centre d’études anabaptistes de Montréal est donc un centre anabaptiste, mais ce ne sera pas seulement un Centre où on exposera la théologie et l’histoire anabaptiste. Après tout, l’anabaptisme était à l’origine, au début de la Réforme, une remise en question souvent radicale du statu quo, des pouvoirs établis et des traditions. Il serait donc étrange d’ériger l’anabaptisme en nouvelle tradition intouchable, qu’on ne peut questionner. Le Centre sera plutôt un lieu où nous partirons de la tradition anabaptiste pour faire de la théologie et des études bibliques avec un regard posé sur la situation québécoise, tout en recherchant le dialogue avec les autres traditions chrétiennes, notamment les traditions évangéliques non-anabaptistes et les traditions catholiques, avec lesquelles nous sommes naturellement en lien.

Ce dialogue m’apparaît fondamental pour favoriser l’unité de l’Église du Christ, mais aussi parce que, à mon avis, la théologie anabaptiste est une voix qui doit être entendue par l’Église universelle à différentes époques. Non pas que la théologie anabaptiste soit la reine des théologies. Mais ses accents constituent des rappels importants, voire parfois des correctifs aux autres théologies chrétiennes. Dans le grand « buffet » que sont devenus la théologie chrétienne et le christianisme, l’anabaptisme doit avoir sa place pour assurer un « repas équilibré ». Je ne suis pas sûr s’il faut considérer la théologie anabaptiste comme une entrée, un dessert, une salade ou une soupe, mais sans elle la théologie chrétienne serait un repas appauvri.

Parmi les accents fondamentaux de la théologie anabaptiste, je n’en rappellerai pour l'instant qu’un seul, présent déjà chez les premiers Anabaptistes il y a 500 ans, soit l’appel radical lancé à chacun de suivre le Christ, et non pas seulement de rechercher l’orthodoxie ou la défendre, notamment en utilisant les moyens de l’État. À une époque où la fidélité à Dieu se résume souvent à défendre l’orthodoxie ou à défendre la Bible ou alors à condamner les comportements sociaux jugés immoraux, voire à tenter de légiférer pour les interdire, la parole du Christ : « toi, suis-moi » est plus actuelle que jamais. Les premiers anabaptistes ont été prêts à donner leur vie pour ce message. Qu’il puisse inspirer l’Église de Dieu encore aujourd’hui.

4 commentaires:

Steve Robitaille a dit...

Bonne idée de présenter le CEAM sur ton blogue, ce n'est pas moi qui aura à redire à ce sujet :)

Dominic Perugino a dit...

J'ai bien hâte de voir et de lire les différentes réflexions du centre anabapste.

Sabrina a dit...

Wow, super intéressant ton texte! J'ai beaucoup apprécié la partie où tu dis qu'il est important que: «l’anabaptisme doit avoir sa place pour assurer un « repas équilibré » dans le grand «buffet» des théologies chrétiennes. Ce que j'ai encore plus aimé c'est quand tu dis: «À une époque où la fidélité à Dieu se résume souvent à défendre l’orthodoxie ou à défendre la Bible ou alors à condamner les comportements sociaux jugés immoraux, voire à tenter de légiférer pour les interdire, la parole du Christ : « toi, suis-moi » est plus actuelle que jamais.» Je me souviens que la session passée je t'ai posée une question par rapport à l'anabaptisme et d'où cette branche du christianisme tirait son origine. Je trouve ça drôle comment c'était bien difficile pour moi de comprendre ce qui la distinguait de ma foi et pourquoi on a dû lui donner un autre nom. Mais je pense que c'est en assisstant à tes cours que j'ai vraiment compris ce qui a d'unique dans l'anabaptisme. Je l'ai compris lorsque tu as dis à un moment quelque chose comme: « Si tu demandes à un orthodoxe s'il est chrétien, il va te répondre oui parce que ... et il va t'expliquer par des doctrines bibliques qu'il est chrétien. Mais si tu demandes à un anabaptiste s'il est chrétien, il va te dire d'aller demander à son voisin.» Je m'excuse si j'ai complètement meurtri ton «quote» de fou que j'ai trouvé parfait. Mais, ce que j'ai compris de ce que tu as dis c'est que, c'est important d'avoir la bonne doctrine mais encore plus c'est de suivre le Christ et d'avoir foi en lui. Je ne crois pas que le brigand crucifié à côté de Jésus a eu le temps de se formuler une orthodoxie élaborée. Mais il avait la crainte de l'Éternel et la foi que Jésus était le fils de Dieu. À la fin de sa vie, il a reconnu ses fautes et a demandé à Jésus de se souvenir de lui au paradis. Jésus lui a dis: «je te le dis en vérité, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis». Personnellement, je crois que ma foi et celle de ma famille est souvent limitée à une recherche de l'orthodoxie et de sa déffense. J'aurai souhaité intégrer plus d'«anabaptisme» dans ma foi et de m'assurer de suivre le Christ quotidiennement dans tous les aspects de ma vie plutôt que de me contenter à mon «comfort zone» qui est la recherche et la déffense de l'orthodoxie.

Marc Paré a dit...

Merci Sabrina pour ton commentaire. Effectivement, sans minimiser l'importance de l'orthodoxie et de la théologie, la vie chrétienne ne devrait pas s'y résumer.

Tu m'as fait le plus beau des compliments en écrivant : "je pense que c'est en assisstant à tes cours que j'ai vraiment compris ce qui a d'unique dans l'anabaptisme". Merci.