jeudi 28 août 2008

La foi qui réfléchit

Blaise Pascal a écrit que "c'est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce qu'est la foi, Dieu sensible au cœur, non à la raison".

Nombreux sont les évangéliques qui aiment ce genre de citation. Après tout, une des vérités fondamentales soulignées par les évangéliques (et par les Anabaptistes avant eux) est que la foi n'est pas simplement une liste de croyances ou une décision intellectuelle et rationnelle mais aussi une attitude intérieure, notamment une disposition à l'obéissance envers Dieu.

Pascal est un allié naturel pour les évangéliques. D'autres penseurs (comme Dietrich Bonhoeffer) sont également utilisés pour la démonstration de la "thèse" soulignant la primordialité des choses du cœur, voire l'inutilité d'une réflexion en profondeur au profit d'une "foi du cœur" ou d'une "foi vécue". En réalité, ce que plusieurs de ces penseurs affirment, c'est la nécessité de faire le pont entre la réflexion et la foi pratiquée et non le mépris pour la réflexion au profit d'une foi uniquement "sentie", une foi purement expérientielle et dont la raison (donc le cerveau ?) est l'ennemi principal.

L'utilisation de ces penseurs ne peut se faire que par une sélection de leurs propos. Ainsi, on mentionne moins spontanément le travail de Pascal en philosophie, en mathématiques et en théologie pour retenir davantage les citations ou éléments de sa pensée qui peuvent être utilisés pour dévaluer la réflexion philosophique ou théologique ou la démarche scientifique. Certaines citations de Pascal sont carrément oubliées par certains, telles que :

"Il faut savoir douter où il faut, assurer où il faut, en se soumettant où il faut. Qui ne fait pas ainsi n'entend pas la force de la raison".

Ou encore : "Si on soumet tout à la raison, notre religion n'aura rien de mystérieux, et de surnaturel. Si on choque les principes de la raison, notre religion sera absurde et ridicule".

La première partie de cet énoncé semble presque avoir été écrit pour les rationalistes et les intellectuels et la seconde pour les évangéliques et les piétistes.

La posture anti-intellectuelle revient périodiquement sous différentes formes dans le mouvement évangélique, surtout depuis un siècle. Le célèbre Darby (ou était-ce Scofield, je ne me souviens plus), qui a tant fait pour populariser le dispensationnalisme, affirmait qu'il avait pu correctement comprendre la Bible précisément parce qu'il n'avait pas de formation en théologie.

Cette attitude perdure jusqu'à ce jour dans bien des milieux. Or, Jésus a enseigné que le premier commandement était : "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence" (Mt 22,37). Peut-on négliger l'intelligence lorsqu'on a le cœur et l'âme ?