Nous sommes récemment entrés, mine de rien, dans la période du carême. C'était mercredi dernier, qu'on appelle techniquement le mercredi des Cendres. Le mercredi des Cendres marque l'entrée dans la période du carême et suit le mardi gras, qui lui est le dernier jour faste avant le jeûne et la prière. Pourquoi les cendres ? C'est qu'elles sont le symbole de plusieurs choses dans la tradition chrétienne. Il y a l’idée que notre existence sur terre est éphémère : nous sommes poussière/cendres/argile et nous retournerons à la poussière (Gn 3,19 ; 18,27 ; Jb 30,19 ; Ez 28,18). Il y a aussi le symbole de repentance, comme en Israël ancien où les gens se mettaient des cendres et/ou de la poussière sur la tête ou le corps en période de repentance, de deuil, de calamité ou d'appel pressant à Dieu (voir par exemple Est 4,1 ; Jr 6,26 ; Ez 27,30 ; Jon 3,6). Habituellement dans le christianisme on y va de façon plus modérée en recevant un peu de cendres sur le front lors du premier jour du carême pour marquer l'entrée dans une période de jeûne et de repentance.
Le mot « carême » veut simplement dire 40e (jour avant Pâques). C’est une période importante dans l’Église depuis plus de 1500 ans. Le carême est la période de 40 jours d’abstinence, de privation et de préparation qui précède Pâques. La durée symbolique des 40 jours est basée sur les 40 jours de la tentation de Jésus au désert (où justement Jésus jeûne, voir Mt 4,1-11 et parallèles) et les 40 ans au désert des Israélites sortis d’Égypte (40 est un nombre symbolique important dans la Bible). Comme le dimanche est exempté (on peut briser les privations du carême le dimanche), la période commence 46 jours avant Pâques. Le ramadan musulman est à peu près l'équivalent du carême chrétien, bien que son sens soit évidemment différent.
Les gens modernes et éclairés n'ont pas toujours beaucoup de respect pour ce genre de pratique. N'est-ce pas un peu barbare et arriéré ? Prier ou lire la Bible passent pour des activités au moins "normales", mais le jeûne et la privation ? N'est-ce pas là un ritualisme dépassé et moyenâgeux ? Le film Chocolat (qui est par ailleurs très bon) illustre l'attitude que plusieurs entretiennent envers le carême : il s'agit d'une sorte de vestige de temps obscurs où les gens qui se privent sont le plus souvent des débauchés qui s'ignorent (je caricature à peine).
Or, le carême n’est pas tant l’occasion de se faire violence à soi-même pour « faire pitié » aux yeux de Dieu que de se recentrer sur le sens ultime de son existence, fondé sur la résurrection du Christ. Pâques est la fête la plus importante du calendrier chrétien, plus encore que Noël. Sans Pâques et la résurrection du Christ, le christianisme n’a pas de sens. Pendant le carême, on est appelé pas tant à se priver pour le plaisir masochiste de se priver mais pour se consacrer à autre chose. C'est d'ailleurs là le sens du sacré dans la Bible, que ce soit l'objet, la personne ou le temps : séparé du profane, du quotidien, et consacré à Dieu. Le carême, temps sacré (et donc consacré) est basé sur une longue tradition dans le christianisme et avant ça dans le judaïsme qui valorise le sacré, de même que le jeûne et le dévouement ou la consécration à Dieu. Par exemple, Paul (qui ne parle évidemment pas du carême) dit aux Corinthiens mariés qu'ils peuvent pour un temps s'abstenir de relations sexuelles pour se consacrer à la prière et non pour se faire souffrir ou parce que Paul dévalorise la sexualité (1 Co 7,1-5).
Les évangéliques ne sont habituellement pas très intéressés par l’idée de pratiquer les privations du carême, mais nous devrions à tout le moins considérer cette période comme une période de préparation intérieure à Pâques, une période de méditation et de réflexion. Si en plus certains veulent s'engager à se priver de certaines choses et s'obliger à faire davantage de bonnes choses, l'expérience du carême n'en sera que plus riche.
lundi 11 février 2008
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