lundi 26 novembre 2007

Les premiers chrétiens

J'ai relu dernièrement des textes anciens d'auteurs païens parlant des chrétiens des premiers siècles. J'ai été interpellé par certains de ces textes, dont un texte de Pline le jeune, haut fonctionnaire romain (consul, puis légat de l'Empereur). Dans la lettre écrite en 111, on lit notamment à propos des chrétiens apostats (qui ont rejeté la foi chrétienne sous la pression romaine) :

Ils affirmaient que toute leur faute, ou leur erreur, s'était bornée à avoir l'habitude de se réunir à jour fixe avant le lever du soleil, de chanter entre eux alternativement un hymne au Christ comme à un dieu, de s'engager par serment non à perpétrer quelque crime mais à ne commettre ni vol, ni brigandage, ni adultère, à ne pas manquer à la parole donnée, à ne pas nier un dépôt réclamé en justice ; ces rites accomplis, ils avaient coutume de se séparer et de se réunir encore pour prendre leur nourriture, qui, quoi qu'on en dise [on accusait les chrétiens de pratiquer le cannibalisme rituel puisqu'ils se réunissaient pour manger de la chair humaine (la chair de Christ)], est ordinaire et innocente ; même cette pratique, ils y avaient renoncé après mon édit par lequel j'avais selon tes instructions interdit les hétairies. (cité dans Les Pères apostoliques, Paris, Cerf, 1991, p. 20).

Ce texte m'a rappelé que les premiers chrétiens, à part lorsqu'on les accusait à tort de méfaits comme le cannibalisme, étaient en réalité habituellement irréprochables. Non pas qu'ils étaient toujours parfaitement moraux (les lettres de Paul, notamment aux Corinthiens, témoignent du fait que tous ne vivent pas selon les standards de la communauté), mais comparés aux autres habitants de l'Empire romain, ils se distinguaient surtout par des comportements jugés positifs. La seule "vraie" faute dont on pouvait les accuser était de ne pas participer au culte romain officiel, soit l'adoration de la déesse Roma, patrone de l'Empire, et de l'Empereur lui-même, ce qui selon les Romains pouvait entraîner des catastrophes puisque les dieux en colère pouvaient ne plus protéger l'Empire. Ce culte officiel était donc un devoir civique que les chrétiens ne pouvaient accomplir pour des raisons évidentes. Cependant, pour le reste les chrétiens étaient en réalité de "bons habitants de l'Empire". C'est d'ailleurs en partie ce qui a fini par pousser de nombreux Romains à se demander s'il était sage de persécuter aussi sévèrement des gens qui ne font pas le mal, encourageant la "légalisation" du christianisme.

Je suis frappé par le contraste avec la situation actuelle où la réputation des chrétiens est en général assez mauvaise en Occident mais pour des raisons complètement différentes. On nous accuse non plus de ne pas faire nos devoirs religieux ou de calomnies, mais de manquer de compassion, de tolérance, d'amour pour les gens. Je ne veux pas dire que les gens ont raison de faire de telles accusations (quoique c'est malheureusement vrai dans certains cas), mais il me semble étrange que nous chrétiens, qui sommes disciples du Christ, ne soyons pas d'abord reconnus pour notre amour mais plutôt pour notre intolérance et notre manque de compassion.

4 commentaires:

Dominic Perugino a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Dominic Perugino a dit...

Ça me fait penser la lettre à Diognète. Ça laisse toujours perplexe...ce qui est intéressant, c'est que notre société post-chrétienne, les gens nous jugent à la lumière de l'amour inconditionnel de l'évangile. Mais il semble aussi que le monde aime utiliser le « manque d'amour » à toutes les sauces. En effet, de se prononcer clairement sur certaines choses (promiscuité, homosexualité, ecxlusivisme etc.) peut être étiquetté de manque d'amour. Pourtant, s'ils nous donnent le temps, plusieurs peuvent voir notre amour (et souvent un amour plus profond) en dépit du fait que nous soyons contre ce qu'ils font...sourtout chez des chrétiens qui connaissent bien leur propre nature pécheresse.

Dominc

Dominic Perugino a dit...

Mais de m'arrêter sur ce commentaire serait de manquer ton appel. Je suis d'accord, on doit se mettre chaque jour plus au défit de suivre Christ radicalement et dire: « Allons-y!»

Amen?

Dom

Marc Paré a dit...

Effectivement Dominic, il y a des moments où les gens estiment faussement que toute prise de position autre que le "laisser-vivre" est un manque d'amour. Cependant, j'étais frappé par le contraste entre les reproches faits aux premierrs chrétiens et ceux qu'on nous fait aujourd'hui.